Contexte 15.1 Le 1er avril 1997, le Comité permanent des comptes publics a adopté la motion suivante : Que le vérificateur général examine si les activités de développement économique financées par Énergie N.-B. dans la région de Minto sont conformes à l'autorité législative accordée à Énergie N.-B. aux termes de la Loi sur l'énergie électrique. 15.2 Le 25 avril 1997, nous avons reçu une lettre du greffier adjoint de l’Assemblée législative pour demander officiellement à notre bureau d’effectuer cet examen. Nous avons répondu que nous avions l’intention d’examiner la question vers la fin de 1997. Historique du fonds de développement économique de Minto 15.3 En février 1994, le président de NB Coal Ltd. présente au conseil d’administration d’Énergie NB un dossier commercial sur l’évaluation d’un plan d’exploitation minière comportant trois options pour l’extraction de charbon à Minto. Il recommande d’abaisser la production de 450 000 t à 300 000 t en 1994-1995 et de procéder aux réductions de personnel qui s’ensuivront. L’importation de charbon étranger moins cher comblera la différence. Il est estimé qu’Énergie NB réalisera des économies annualisées pouvant atteindre entre 7,8 millions et 9,5 millions de dollars. Le 24 février 1994, le conseil approuve la réduction recommandée pour 1994-1995, soit une production de 300 000 t. 15.4 En mars 1994, le conseil d’Énergie NB approuve le budget de 1994-1995 et, dans le cadre du dossier commercial, l’assortit d’un engagement financier de 2,5 millions de dollars pour le développement économique de la région de Minto. Énergie NB s’engage aussi à verser une somme additionnelle de 150 000 $ par année pendant cinq ans à la Minto Regional Economic Development Corporation. 15.5 Le 23 juin 1994, le conseil est informé que la somme de 2,5 millions de dollars engagée pour la région de Minto a été dépensée durant l’exercice 1993-1994. Il est donc recommandé que le budget de 1994-1995 soit révisé en conséquence. Le conseil adopte une motion pour approuver le retrait des dépenses affectées à la région de Minto du budget de 1994-1995. 15.6 Énergie NB a mis graduellement en œuvre depuis 1994-1995 la stratégie établie dans le dossier commercial. Le personnel d’Énergie NB signale que des économies importantes ont déjà été réalisées mais que les répercussions ne se feront pleinement ressentir qu’en 1998-1999. Dans une lettre qu’elle nous a adressée en février 1998, la direction d’Énergie NB estime que les économies de coûts annuelles découlant de la réduction seront de 9 423 000 $ en 1998-1999. Étendue 15.7 À la suite de la demande du Comité permanent des comptes publics, nous avons rencontré les responsables d’Énergie NB le 9 décembre 1997 afin de voir si la société avait effectivement l’autorité législative de contribuer au développement économique de la région de Minto de la façon dont elle l’avait fait. À cette réunion, il a été entendu qu’Énergie NB allait fournir une réponse écrite sur la question. Nous avons reçu la réponse écrite de la société le 16 février 1998. 15.8 Nous avons examiné la Loi sur l’énergie électrique pour déterminer si, à notre avis, celle-ci autorise de telles dépenses. Nous avons aussi examiné l’analyse préparée par Énergie NB qui compare la réduction des niveaux de production de NB Coal avec le maintien de la production aux niveaux actuels. Enfin, nous avons parlé à des membres du personnel d’Énergie NB et de NB Coal au sujet de l’analyse et demandé si les économies prévues avaient été réalisées. Résumé des résultats 15.9 Selon les résultats de notre examen et l’information qui nous a été fournie, nous concluons que la décision du conseil de prendre des mesures d’économie en ce qui a trait à la production de charbon était une bonne décision d’affaires, tout à fait dans les limites de ses pouvoirs. 15.10 Énergie NB n’était aucunement tenue de verser des fonds de développement. Si la politique officielle avait exigé qu’Énergie NB affecte une somme de 2,5 millions de dollars au développement économique de la région de Minto, nous croyons qu’une telle obligation aurait dû être documentée et appuyée par un décret en conseil. À notre avis, comme ce n’était pas le cas, la dépense de 2,5 millions de dollars par Énergie NB n’était pas conforme à l’autorité législative accordée aux termes de la Loi sur l’énergie électrique. Cadre législatif 15.11 Comme première démarche, nous avons rencontré les responsables d’Énergie NB et examiné la question du financement d’activités de développement économique dans la région de Minto par Énergie NB. Le personnel d’Énergie NB a offert de soumettre une réponse par écrit, ce que nous avons accepté. 15.12 Nous avons également examiné la Loi sur l’énergie électrique, qui régit Énergie NB. L’article 2 de la loi précise ce qui suit : L'objet, l'esprit et le but de la présente loi est d'assurer la fourniture continue de l'énergie suffisante pour répondre aux besoins de la province, d'en permettre le développement futur et de promouvoir l'économie et l'efficacité de la génération, distribution, fourniture, vente et utilisation de l'énergie. 15.13 À notre avis, cet article décrit l’objet premier d’Énergie NB. 15.14 Dans sa réponse officielle, le président d’Énergie NB nous dit que la société considère que le paragraphe 3(7) de la Loi sur l’énergie électrique lui confère l’autorité de financer des activités de développement. Le paragraphe est le suivant : Le conseil d'administration gère commercialement les affaires de la Société et toutes ses décisions et actions doivent être fondées sur des pratiques commerciales saines, sous réserve de la politique officielle que le lieutenant-gouverneur en conseil peut déterminer à l'occasion. 15.15 Les responsables d’Énergie NB sont d’avis que la décision du conseil de verser des fonds de développement à la région de Minto est conforme au paragraphe en question, c’est-à-dire que la décision a été prise par le conseil et qu’elle était fondée sur une pratique commerciale saine. 15.16 Nous croyons que le paragraphe 3(7) est une disposition pertinente. Il peut accorder au conseil d’administration le droit de financer des activités de développement si le conseil peut montrer qu’il a pris la décision en se fondant sur une pratique commerciale saine. La disposition permet aussi l’utilisation d’Énergie NB comme instrument de la politique officielle, pourvu que le lieutenant-gouverneur en conseil en donne l’ordre. Décision d’affaires 15.17 L’étape suivante a été d’évaluer si la décision du conseil de financer les activités de développement dans la région de Minto était fondée sur une pratique commerciale saine. 15.18 Bien que la mise en œuvre du dossier commercial n’ait pas eu lieu aussi rapidement qu’il avait d’abord été prévu, les économies s’accumulent graduellement depuis 1994-1995. Comme nous le mentionnons précédemment, la direction d’Énergie NB estime à 9 423 000 $ pour 1998-1999 les économies annuelles découlant de la réduction des activités minières dans la région de Minto. Le personnel d’Énergie NB et de NB Coal a déclaré que les réductions prévues ont été atteintes et que le coût de la tonne de charbon a chuté de façon appréciable. Tout compte fait, les économies réalisées dépasseront largement les fonds qu’Énergie NB a affectés au développement économique de la région de Minto. 15.19 Nous reconnaissons que la décision du conseil d’aller de l’avant avec la réduction prévue des activités minières était une bonne décision d’affaires. Toutefois, nous tenons aussi à noter que, d’un point de vue strictement commercial, nous ne pensons pas qu’il était nécessaire pour Énergie NB de fournir des fonds de développement. De nombreuses entreprises prennent la décision de réduire ou de cesser des activités dans une région donnée sans pour autant fournir d’autres fonds, à l’exception des exigences juridiques qu’elles peuvent avoir à satisfaire. Le processus décisionnel 15.20 Notre troisième et dernière étape a donc consisté à essayer de déterminer pourquoi et comment la décision relative au financement avait été prise. Pour y parvenir, nous avons lu les procès-verbaux des réunions du Comité permanent des comptes publics et discuté de la décision avec divers membres du personnel d’Énergie NB. Nous avons aussi examiné les communiqués de presse et la correspondance ayant trait au financement. 15.21 Dans un communiqué de presse daté de décembre 1993, le premier ministre et le président du conseil d’administration d’Énergie NB annonçaient la réalisation de diverses initiatives visant à contribuer au développement de l’économie locale de la région de Minto. Dans le même communiqué, on peut lire qu’Énergie NB allait contribuer à un fonds communautaire de développement économique dans la région du Grand Lac. Dans une lettre adressée au maire de Minto en décembre, le premier ministre déclare que le gouvernement s’engage à soutenir le développement économique dans la région. De plus, une lettre écrite vers la fin décembre 1993 par le président de la Minto Regional Economic Development Corporation et adressée au président du conseil d’administration d’Énergie NB note que des discussions qui avaient lieu entre le président du conseil et le premier ministre laissaient entendre que des fonds seraient affectés à la création d’emplois pour la région de Minto. La réponse du président du conseil datée de janvier 1994 précise que le niveau de financement versé par Énergie NB dépendrait des répercussions de la réduction de la production de charbon sur la région de Minto et serait décidé de concert avec le ministère du Développement économique et du Tourisme. 15.22 À notre avis, ces informations montrent que le gouvernement avait, plusieurs mois avant l’approbation du conseil d’Énergie NB, décidé qu’Énergie NB allait verser des fonds à la région de Minto, c’est-à-dire que le gouvernement a déterminé qu’un fonds de développement était nécessaire et a demandé à Énergie NB de l’approvisionner. 15.23 Le paragraphe 3(7) de la loi dit bien que les décisions sont prises « sous réserve de la politique officielle que le lieutenant-gouverneur en conseil peut déterminer à l'occasion ». Il peut donc y avoir des cas où la politique officielle approuvée par le lieutenant-gouverneur en conseil permettrait à Énergie NB de prendre des mesures qui sont dans l’intérêt public. 15.24 Il ne fait aucun doute que l’établissement de la politique officielle est la responsabilité du gouvernement. Toutefois, les désirs du lieutenant-gouverneur en conseil sont généralement exprimés sous forme de décret en conseil. Dans le cas qui nous occupe, nous croyons que, pour assurer l’ouverture et la transparence du processus d’élaboration de la politique officielle, un décret en conseil aurait dû être pris pour autoriser Énergie NB à verser les fonds nécessaires, ce qui n’a pas été fait.